mardi 19 janvier 2010

Les effets indésirables des corticoïdes

Les ophtalmologistes sont particulièrement concernés par les effets indésirables des corticoïdes. Le glaucome et la cataracte sont parmi les complications les plus fréquentes de ces traitements lorsqu'ils sont prolongés, et/ou chez certains patients à risque comme les enfants ou les diabétiques. Les ophtalmologistes exposent aussi les patients à des évènements indésirables systémiques lorsqu'ils décident de mettre en route une corticothérapie par voie générale. Trois publications récentes, dont une française, attirent à nouveau notre attention sur la iatrogénie potentielle des corticoïdes.

Une étude française réalisée par l'équipe de Médecine Interne du Centre Ophtalmologique National des Quinze-Vingts s'est intéressée aux troubles glycémiques induits par les perfusions en série de méthylprednisolone (250 à 1 000 mg/j pendant 3 jours). Ce type de traitement est en effet fréquemment utilisé dans notre spécialité, par exemple dans le traitement d'attaque des neuropathies optiques inflammatoires aiguës, des uvéites postérieures sévères, des rejets de greffe de cornée ou encore de la maladie de Horton.

Cette étude réalisée sur 224 patients hospitalisés pendant l'année 2000 a retrouvé une augmentation d'environ 50 % de la glycémie à jeun le lendemain de la première perfusion de méthylprednisolone par rapport à celle du bilan préthérapeutique. Alors que les taux de glycémie se sont stabilisé voire ont régressé au 2 e et 3 e jour du traitement malgré la poursuite des perfusions chez les 196 patients non-diabétiques inclus, l'hyperglycémie iatrogène continuait de s'aggraver chez les 28 patient diabétiques de type II de la série. Sept d'entre eux (25 %) ont même nécessité le recours à des injections d'insuline pour maintenir la glycémie en dessous de 14 mmol/l.

Cette étude réalisée sur un grand nombre de patients consécutifs confirme donc la nécessité d'une surveillance stricte, régulière et pluriquotidienne de la glycémie chez les patients diabétiques devant être traités par des bolus de solumédrol, avec la mise en place le cas échéant d'une insulinothérapie transitoire. Les auteurs proposent en revanche de simplifier la surveillance glycémique chez les patients non-diabétiques.

Friling et collaborateurs rapportent les résultats du contrôle systématique de la pression intraoculaire (PIO) pour 9 nourrissons âgés en moyenne de 8 mois (± 3) et traités par des corticostéroïdes par voie générale à forte dose pour des spasmes infantiles. Le contrôle ophtalmologique, réalisé en moyenne 1 mois après le début de la corticothérapie, a retrouvé une hypertonie oculaire marquée chez 5 enfants (55 %) avec une PIO moyenne de 31 mmHg et un rapport cup/disk moyen d'environ 0,5. La mise en route d'un traitement anti-glaucomateux topique a permis de normaliser la PIO et l'aspect papillaire pour 4 enfants, le cinquième ayant du subir une trabéculectomie bilatérale. Malgré son caractère rétrospectif, cette étude a le mérite de rappeler que le jeune âge est un facteur de risque supplémentaire pour les complications oculaires des corticoïdes, en particulier pour les hypertonies induites. La planification de la surveillance de la PIO devrait donc être systématique sur ce terrain dès qu'un traitement corticoïde prolongé est débuté par voie locale ou générale.

Les injections de corticoïdes retard comme la triamcinolone acétonamide sont de plus en plus utilisées dans le traitement des oedèmes maculaires. Dès les premières utilisations, était apparu le risque d'hypertonie oculaire, éventuellement résistant au traitement topique et pouvant nécessiter le retrait du dépôt de la suspension lorsqu'il est accessible par voie chirurgicale. Gupta et collaborateurs rapportent une série de 5 patients ayant présenté une exophtalmie et parfois un ptosis à la suite d'une ou plusieurs injections rétrobulbaires par voie transconjonctivale inféro-temporale de triamcinolone acétonamide. L'imagerie par tomodensitométrie suggérait une lipomatose orbitaire, qui a été confirmée chez les patients opérés à visée diagnostique et esthétique. La physiopathogénie des évènements décrits dans cette série est encore mal déterminée. La voie d'abord inféro-temporale a pu favoriser mécaniquement une hernie graisseuse en avant du septum mais n'explique pas l'exophtalmie proprement dite. Les auteurs notent que des lipomatoses retrobulbaires compliquées d'exophtalmie ont été décrites dans le syndrome de Cushing ; les observations de cette étude pourraient résulter d'un effet stimulant local des corticoïdes sur les adipocytes orbitaires. À juste titre, les auteurs rappellent que plusieurs publications antérieures avaient à l'inverse rapporté des atrophies de la graisse orbitaire après des injections locales de corticoïdes. L'utilisation croissante des injections péri-oculaires de triamcinolone acétonide (Kénacort Retard ® en France) apportera vraisemblablement de nouveaux éléments sur l'incidence de cet effet indésirable.


source: Journal Français d'Ophtalmologie
Vol 27, N° 2 - février 2004